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30 juin 2014 1 30 /06 /juin /2014 15:37

Nous n'avons rien publié sur notre blog depuis plusieurs mois. Mais cela n'a pas vraiment d'importance car nous avons privilégié une autre approche du numérique pour nous familiariser à l'utilisation de l'ordinateur.

Aujourd'hui j'ai préféré reprendre des mots dictés par un petit nombre de résidants il y a un peu plus de six ans. Les témoignages des évènements de leur passé au moment de la guerre et du débarquement. Je précise simplement que, témoins de l'Histoire et acteurs parfois, ils ne sont plus tous vivants à ce jour.

Ces écrits datent d'Octobre-Novembre 2007, réalisés pour un projet intergénérationnel avec des lycéens de Nogent Le Rotrou. Des moments de rencontre d'une grande complicité et d'un partage intense entre deux populations qui se sont tout simplement découvertes, racontées, dévoilées.

Quatre ans se sont écoulés depuis la fin de l'échange avec la classe. Mais en février dernier, une dame, l'une des marraines de coeur, a retrouvé en faisant du rangement l'adresse du jeune homme avec qui elle avait correspondu. 

Elle a décidé de lui réécrire, espérant que cette lettre lui parviendrait. Et une réponse ne tarda pas à arriver, qui enchanta une nouvelle fois la vieille dame. Son correspondant lui exprimait sa gratitude de ne pas l'avoir oublié et donnait des nouvelles de sa vie actuelle.

Les commémorations du soixante-dixième anniversaire du débarquement  ont commencé sur le territoire normand il y a quelques mois. C'est le vif succés des différents évènements organisés pour le fêter qui m'a poussée à publier les quelques lettres gardées précieusements dans les archives du service Animation.

Voici donc des extraits de leurs différentes histoires, tout en respectant leur anonymat :

   

"Le 9 novembre 2007-11-09

A.,

Je suis né en 1935, le 17 juillet.

Je veux bien être ton parrain pour te raconter ce que j’ai vu et la misère dans laquelle ma famille était.

J’avais sept ans au début de la guerre. Mes parents s’occupaient bien de nous et on avait peur de ces gens-là qui occupaient la France.

Après la guerre je ne savais pas quoi faire. Je n’étais pas bien vieux et il fallait suivre le père au travail. Il était cultivateur alors je suis devenu cultivateur."

 

 

Le 02 Novembre 2007

 

Bonjour A,


Je m’appelle M., et j’ai 71 ans. 

Quand la guerre a commencé, j’avais 7 ans, et comme je l’ai dit précédemment, j’habitais Lapenty avec mes parents. Maman avait une petite fermette, et papa étais le cantonnier de la commune.

Les Allemands sont arrivés un Dimanche, quand nous sortions de la messe. On n’a pas beaucoup vu les Allemands, mais pendant toute une journée, ils ont courus après toutes les personnes qui possédaient un vélo, pour leur prendre. C’était le cas de papa, les Allemands lui ont demandé son vélo, papa a demandé comment il allait faire pour travailler sans son vélo, et les Allemands lui ont répondu "vous vous débrouillez ! ". Donc papa leur a donné son vélo, sinon ils l’auraient tué. Les Allemands courraient aussi après les chevaux et les juments. D’ailleurs mon voisin a dû céder sa jument aux allemands sinon ils l’auraient tué lui aussi. Ils voulaient que mon voisin aille avec eux, car ils ne savaient pas monter à cheval.

Le campement des allemands n’été pas trop loin de chez nous, c’était à la Croix de Pierre à Villechien ( petite commune près de Saint Hilaire et de Lapenty ). Les allemands nous avaient interdit de sortir la nuit, sinon ils tireraient sur tout ce qui bouge.

J’aurais encore plein de choses à te raconter dans ma prochaine lettre, notamment sur l’arrivée des Américains qui avaient bâti leur campement dans un champ derrière chez moi. "

 

 

Le 10 Octobre 2007

 

Bonjour L.,

 

Je m’appelle M., et j’ai 77 ans.

Quand la guerre a commencé en 1940, j’avais 10 ans. J’habitais à Brécey avec mes parents, qui avaient eux-même une ferme. La cohabitation avec les Allemands se passait bien sur Brécey ; personne ne les embêtait et ils embêtaient personne. Sur la fin de l’occupation les soldats Allemands étaient beaucoup plus méchants, car ils étaient chassés par l’armée Américaine, ils étaient donc plus agressifs.

 

La commune de Brécey n’a pas été bombardée par chance, car dans les environs beaucoup de villes et villages ont été bombardés. Dans ma commune il y a tout de même eu 2 morts ; un du côté des Allemands, et un du côté des Américains. "

 

 

" Le vendredi 5 octobre 2007

 

Chère Mademoiselle C. M.,

 

Je m’appelle Madame D. M.-L., je suis retraitée et j’ai 86 ans. Je fais réponse à votre lettre me demandant une correspondance sur la seconde guerre mondiale. Je vous donne quelques souvenirs.

J’avais 18 ans la guerre déclarée. Entre l’âge de 18 ans et celui de 86 ans, je n’ai pas gardé tous les souvenirs. Je me rappelle la déclaration de la guerre par l’armée allemande le 3 septembre 1939. La France sonnait le Tocsin, c’était aux environs de 15 heures ; cela ne se passait pas qu’en Normandie mais dans la France entière. Le Tocsin sonnait comme ci la France était en deuil. Cela faisait quelques mois que les journaux parlaient d’Hitler qui menaçait.

Au début de cette guerre, en mars ou avril 1940, les premiers allemands sont arrivés à Saint Hilaire du Harcouët. Ils arrivaient pour occuper le pays.

Je m’en souviens quand Saint Hilaire du Harcoüet et le Mortenais, pays de la Manche, étaient sous les bombardements.

Nous avions très peur et la ville de Saint Hilaire du Harcouët était en feu. Presque tout était détruit. Les habitants se réfugiaient dans les campagnes. Tout était pillé et nous n’étions maîtres de rien.

Nous avons eu la carte du pain et de nourriture de toutes sortes de choses.

Dès que les allemands sont arrivés, on a eu l’ordre d’aller dans les mairies chercher ces cartes de rationnement. C’étaient le patron ou le chef de famille qui s’y rendait.

 

Nous avions des nouvelles par les journaux et par ceux qui aimaient suivre tout ça. Le patron de la maison de famille où j’étais employée de ferme prenait les nouvelles tous les matins avec son journal. Ça c’était régulier. A cette époque là c’était l’Ouest Eclaire, c’était le nom du journal de la région et ça a été remplacé par l’Ouest France. Nous n’avions pas la télévision, dans cette maison là. C’était pourtant des riches mais les allemands confisquaient à leur arrivée les choses. Mais il n’y avait pas que les télés ; ils s’appropriaient un petit peu de tout. Si c’était un veau qui leur convenait, ils le prenaient. Cela me rappelle que le mécanicien de vélo, il avait toujours quelques vélos d’avance pour vendre. Mais il a été obligé de les cacher pour que les allemands ne les emportent pas. Ils s’appropriaient tout. Moi je me rappelle j’avais un vélo neuf et le patron l’avait caché dans un tas de foin.

Nous savions un petit peu les nouvelles. Mais on n’avait pas la télé, on avait des postes cachés par-ci par-là. Il n’y en avait qu’un dans la commune de Saint Brice. Les gens se retrouvait le soir pour écouter les nouvelles. Et je me souviens de ça parce que mon patron que j’avais, il était un peu politicien et le soir il allait écouter des nouvelles. C’est pour ça que les gens les cachaient… parce que les allemands ne voulaient pas qu’on connaisse les nouvelles de l’armée.

Et puis les allemands ont tous été évacués ou faits prisonniers.

Mais à l’arrivée des américains ils s’appropriaient de tout ; ça ne valait pas mieux les uns que les autres."

 

 

"Le mardi 9 octobre 2007, à Saint Hilaire du Harcouët

 

Bonjour T,

Je m'appelle M.O.. Je suis née le 17 janvier 1920 au Ménilard, à six kilomètres de Saint Hilaire Du Harcouët.

 

 

J’avais 15 ans en 1935, quand la guerre a été déclarée. Je me le rappelle bien. Les allemands sont arrivés et la guerre est venue. Il fallut que je garde la ferme de mon frère parce qu’il était parti.

Mon frère était parti à la guerre ; puis il a été prisonnier en Allemagne durant 6 ans. Il était triste. Nous correspondions. Il avait envoyé une fois du tabac à un copain. C’est lui qui avait ça dans sa ration. Je soignais ses vaches, il en avait quatre. Il fallait traire les vaches, écrémer le lait et faire son jardin…

 

Les allemands venaient chercher les œufs. Ils étaient gentils quand même. Il y en avait un qui connaissait la région là où mon frère était prisonnier. Il était originaire de cette région, c’était la région de "Chelmère". Mon frère n’était pas malheureux ; il savait tout ce qui se passait par chez nous.

 

J’étais toute seule à la ferme avec mon chien Minette. J’avais de la compagnie pas très loin, c’était le curé du Ménila. A cette époque, j’allais à la messe, j’allais partout. Mon propriétaire m’a raconté qu’au café de Saint Hilaire du Harcouët, il y avait des dames qui allaient avec des allemands. Nous, on ne rentrait pas parce qu’on disait qu’on allait pas avec les allemands. Mon propriétaire était content que je travaille bien sur la ferme de mon frère. Mais il fallait qu’on le paie pour la location de cette ferme."

 

"Le mardi 9 octobre 2007

 

Bonjour M.,

 

      Je me prénomme M.. Je suis née le 27 juin 1935, à la campagne, dans une petite commune du canton de Saint Hilaire du Harcouët, Lapanty. La ferme où je suis née se trouve à cinq kilomètres du bourg de Lapanty et 6 kilomètres de celui de Saint Hilaire du Harcouët.

Je viens vous donner , comme vous me le demandez, mes quelques souvenirs de la guerre 39-45. Mon premier souvenir d'enfance, c'est en septembre 1935 où j'étais dans les bras de ma maman qui était enceinte de mon jeune frère. Nous revenions de chez la soeur de mon papa et le tocsin a sonné. Maman nous a dit : " La guerre est déclarée, il ne faudra plus jamais dire "les bochs". Il faudra dire "les allemands". Et moi aussitôt rentrée je suis allée avec mes soeurs qui étaient un peu plus âgées que moi, rentrer les moutons. Et là je leur ai dit : "Moi je dirai les bochs." Elles m'ont répondu : "Il ne faut pas dire ça parce qu'ils te punieraient et peut être même qu'ils t'emmèneraient". Entre le tocsin et les mois suivants, j'ai du mal à me souvenir parce que j'étais jeune à cette époque-là.

J'avais quatre ans et quelques mois quand la guerre a éclaté. A cet âge-là je suis allée à l'école laïque. Je faisais cinq kilomètres à pied en sabots pour y aller. La maîtresse nous disait qu'il ne fallait jamais monter dans une voiture avec les allemands. Et lorsque les alliers ont mitraillé, il fallait se coucher dans les rigoles de la route.

 La prochaine fois je vous parlerai de l'occupation et du marché noir."

 

 

 

Récit de Mme D. :

 

Le 5 Septembre 1939, on a entendu la sirène. J’avais deux voisins, deux frères qui sont partis aussitôt. La maman est restée seule. Victor a été tué, et trois mois après, Albert a été fait prisonnier. J’étais fille unique, papa été trop âgé pour partir à la guerre.

Les Allemands sont arrivés dans le village, ils sont entrés dans la maison, comme chez eux, ils ont branché des fils et ont téléphoné, certainement à leur armée.

Je n’ai jamais été ennuyée par les soldats. On n’allait plus à la messe, les obus tombaient de partout. Je trayais les vaches, on en avait huit.

Papa était dans un champ avec les deux chevaux, attelés sur une faucheuse. Il ne voulait pas les dételer, mais a fini par le faire.

On faisait du beurre, on le mettait dans un pot en grès et en terre avec du gros sel : il n’y avait plus de marchand.

Un jour maman avait acheté trois livres de rôti de veau, et quand elle est venue le chercher au garde manger , il n’y en avait plus.

Les soldats couchaient dans les étables avec de la paille, et le lendemain matin, ils partaient de bonne heure, à cinq heures du matin.

J’allais faire les commissions à vélo.

 

Récit de Mr B. :

 

J’avais 16 ans, et j’habitais à Reffuveille.

La première fois que j’ai vu les Allemands, c’était après la messe de Refuveille, un dimanche matin. Ils sont passés devant l’église, et deux filles ont rigolé d’eux ( deux sœurs de Reffuveille ), les Allemands les ont prises et leur ont coupé les cheveux la boule à zéro devant tout le monde. Puis les Allemands les ont embarquées, et on ne les a plus jamais revues ; je pense qu’elles se sont faites tuer.

Les Allemands requisionnaient tout dans le village ; les bestiaux, les vélos, les véhicules , mais surtout les vivres. Le boucher de la commune collaborait avec les Allemands, ils été très mal vu par les gens du coin.

J’étais commis de ferme, je couchais au grenier, dans le fion et la paille. Les Allemands venaient me débusquer pour dormir à ma place. Ce n’était pas de simple soldats, c’étaient des officiers. On camouflait nos vélos dans le foin pour ne pas qu‘ils nous les prennent.

Puis les Américains sont arrivés. Les Allemands grimpaient dans les pommiers, pour tirer sur les Américains au loin ; le bourg a dû être évacué, car il y avait trop de civiles blessés ou tués.

Une fois, les Américains et les Allemands se battaient dans la cour de la ferme où je travaillais. J’ai vu un Allemand tuer un Américain, après il lui a coupé l’oreille. Ils nous regardait avec son couteau plein de sang dans la main, ont a eu peur qu’ils nous tuent, il chantait, il dansait, fier d’avoir tué un homme, on le croyait devenu fou.

Un jour, mon père a ramassé un soldat Américain blessé. Il l’a mis dans la brouette, et l'a ramené à la maison. Papa l’avait caché dans la paille, pour ne pas que les Allemands le voit et il lui faisait des pansements tout les jours. Il était touché à la cuisse. Au bout d'un mois, ça allait mieux, les Américains sont venus le chercher lorsqu’il était guéri.

Une fois que les Américains avaient gagné, il lançaient des cadeaux dans le village qu’ils avaient délivré; ainsi ils lançaient des cigarettes, du chocolat…

Il y a eu quatre à cinq milles morts à Mortain et dans les environs ; que ce soit des civiles, des Allemands ou des Américains.

Il y a eu sept fusillés de la résistance à Mortain ; ils ont été enterré à Saint Jean Du Corail.

 

Récit de Mme C. :

 

J’avait 10 ans, et j’habitais Lapenty. Mon oncle habitait Villechien, il a beaucoup été bombardé. Il a soigné un américain, la ramené chez lui , l’a caché dans la paille et le soignait tous les jours, puis il a trouvé quelqu’un qu’il l'a ramené dans son régiment.

Dans un champ à côté de chez moi, il y avait cinq cents Américains, j’allais les voir tout les jours. De tant en tant nous tuions un cochon et on leur donnait de la viande.

Mes parents avaient des vaches, nous faisions donc du lait, du beurre et de la crème. Tout ce qui ne nous était pas nécessaire, ce qu’il y avait en trop, nous le donnions aux Américains.

Mon père n’avait pas donné son fusil en mairie, il l’avait caché dans un trou, dans le mur de la cuisine. Ma sœur aînée de trois ans de plus que moi avait peur que les Allemands découvrent le fusil, et qu’ils nous tuent tous.

Mon père était le cantonnier de Lapenty, il allait en vélo au boulot. Un jour où il traversait un champ, les Allemands lui sont tombés dessus, et ont voulu lui prendre son vélo. Mon père leur a expliqué qu’il avait besoin de son vélo pour aller au travail, mais ils ne l’ont pas écouté. Mon père a dû céder son vélo, sinon ils l’auraient tué.

Saint Hilaire du Harcouet a été bombardé un mercredi, jour du marché. Il y a eu beaucoup de décès ce jour-là.

 

 

Récit de Mr L. :


J’avait 15 ou 16 ans quand la guerre a commencé. J’habitais Maupertuis, au dessus de Percy.

Entre Percy et Maupertuis, il y avait beaucoup d’Allemands, pas facile à « déculer ».

Nous n'avons jamais été embêtés par les Allemands, ils sont passés devant la maison plusieurs fois et ne nous ont jamais rien fait. Ils auraient pu nous tuer, mais l’ont pas fait.

Un jour à côté de chez moi, j’ai vu un soldat Américain assis sur le bord de la route, en train de pleurer. Il tenait entre ses mains, la photo de sa femme. Vu comment c’était parti, ils avaient perdus beaucoup d’homme, il avait peur de ne plus jamais la revoir.

Un Dimanche matin, les Américains sont passé devant chez nous. Ils se sont arrêtés dans la cour et nous ont dit "tenez c’est pour vous". Nous avons regardé, et il y avait plusieurs brouettes remplis de provisions. Ils allaient passer le pont juste après chez nous, et il y avait plein d’Allemands de l’autre côté. Ils nous ont donné ces provisions en nous disant qu’ils ne voulaient rien donner aux Allemands. Au moins s'ils étaient pris, les Allemands ne leur piqueraient pas leurs provisions. Nous étions très heureux.

 

Récit de Mr G. :

 

J’habiter Milly, et j’avais 14 ou 15 ans. Les Allemands sont passés dans le bourg ;certains en voitures, d’autres à cheval, d’autres à pied. Ils ont pris tous les bestiaux qu’il y avait, ainsi que la nourriture et sont répartis.

Ils se sont installés pas très loin du bourg dans un champ qui touchait le village de Villechien.

Quand les bombardements ont commencé, il y a eu beaucoup de dégâts. Les gens ne savaient plus ou se mettrent à l’abri.

 


 

 

 

 

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